La dépression chez l’adolescent est un phénomène face auquel les parents sont souvent démunis. Comment savoir si son enfant est dépressif, que faire pour l’aider… Les conseils d’Aline Nativel Id Hammou, psychologue.
Qu’est-ce qu’une dépression ?
Avant toute chose, il faut savoir ce qu’est un état dépressif, différent d’une déprime passagère. « La dépression est un trouble de l’humeur, caractérisé par un état de tristesse important, chronique, intense« , nous précise Aline Nativel Id Hammou. Quand un adolescent, ou un adulte, fait une dépression, il peut avoir des pensées en lien avec la mort. « Quelqu’un qui est dans un état dépressif a forcément des idées noires, il pense à la mort. S’il ne pense pas nécessairement à sa propre mort au départ, cela va conduire à des pensées suicidaires« , explique la psychologue.
Dépression chez l’adolescent : quels sont les signes ?
Chez l’ado, les signes de la dépression sont similaires aux symptômes rencontrés par un adulte. Cependant, certaines choses vont être accentuées, indique l’experte. « Ce qui va vraiment être caractérisé chez l’adolescent, c’est le repli sur soi. Il va être très important, et s’accompagner d’un trouble relationnel. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il va d’abord avoir des problèmes relationnels avec ses pairs, des jeunes du même âge. Ce n’est qu’ensuite que cela va devenir un trouble relationnel vis-à-vis des adultes, et de ses parents« .
Un adolescent dépressif va aussi avoir des problèmes en lien avec l’image de son corps, ce qui entraîne des troubles alimentaires. « On parle ‘d’allure boulimique‘ ou ‘d’allure anorexique‘, car ce n’est pas exactement une boulimie ou une anorexie. Chez l’adolescent, ce sera plus souvent un trouble d’allure anorexique, car ce sera en lien avec son envie de disparaître, qui va amener ces idées noires et ces envies suicidaires« , explique Aline Nativel Id Hammou. Car l’adolescent qui fait une dépression va souvent être dans une dévalorisation extrême, il va penser n’avoir aucune valeur, ce qui va entraîner cette envie de disparaître. On va observer « une perte de plaisir, une perte de motivation, même pour des choses qu’il aime énormément« .
On peut poser le diagnostic clinique de la dépression lorsque les symptômes persistent plus de deux semaines. Enfin, la psychologue recommande d’être particulièrement vigilant au scénario suicidaire. A partir du moment où un adolescent décrit la façon dont il envisage de mettre fin à ses jours, il y a un vrai risque qu’il passe à l’action. « Quand l’enfant dit « je veux me suicider« , ce n’est pas un scénario suicidaire. En revanche, s’il exprime, par exemple, qu’il veut prendre beaucoup de médicaments [les médicaments étant la méthode de tentative de suicide des adolescents la plus fréquente selon les chiffres en France, ndlr], c’en est un. Les parents doivent alors agir rapidement », souligne Aline Nativel Id Hammou.
Comment (r)établir la communication avec un ado dépressif ?
Communiquer avec leur adolescent peut s’avérer difficile pour les parents, et surtout lorsque celui-ci est atteint de dépression. Il y a le repli sur soi, mais aussi la crainte des adultes d’aborder ce sujet compliqué. Cependant, parler avec lui est nécessaire. Pour ouvrir le contact, Aline Nativel Id Hamou conseille « d’éviter de se comporter comme un inspecteur« . « On peut comprendre l’inquiétude et l’angoisse des parents mais, malheureusement, ce type d’attitude va davantage entraîner le repli« . Notre psychologue recommande plutôt de graviter autour de l’adolescent. « Avec un ado, il vaut mieux tourner autour de lui, essayer de rallumer tout ce qui est en lien avec ses centres d’intérêt. On peut aller au maximum vers lui, mais sans lui rentrer dedans. Il faut être patient, cela prend du temps », indique la psychologue. Elle souligne aussi un fait important : « Quand une personne est dépressive, elle ne fait pas exprès ne pas vouloir faire des choses, de ne pas montrer un grand intérêt. Elle a vraiment une perte d’élan vital, ce n’est pas de la paresse ».
Adolescent dépressif : que faire ?
Avant de pouvoir aider son adolescent, il faut connaître la ou les cause(s) de sa dépression. « On peut revenir quelques semaines en arrière, savoir si l’adolescent a vécu quelque chose en particulier« . Il peut en effet s’agir d’une dépression liée à une phobie scolaire, une rupture amoureuse, des relations amicales tendues ou un rejet de ses camarades… « Dans ce cas, cela peut être un état dépressif réactionnel, ce qui est un phénomène normal. Souvent, les facteurs déclencheurs ne sont pas très loin« , indique Aline Nativel Id Hammou.
Les parents doivent aussi être à l’écoute de leur enfant. « Beaucoup d’adultes et de parents ont du mal à entendre, à écouter l’histoire d’un adolescent, que ce soit sur ses questionnements en lien avec son corps, sa sexualité et son rapport aux autres, ou encore son chagrin d’amour. Il ne faut pas blâmer les parents pour cela : on ne peut pas être à l’aise sur tous les sujets, surtout quand il s’agit de son propre enfant. Je recommande de travailler cette ouverture d’esprit pour ne pas mettre un couvercle sur les émotions de l’ado. L’écouter, se mettre en retrait pour savoir ce dont il a besoin et pas ce que nous, nous projetons en tant qu’adultes, est une bonne chose », souligne la psychologue.
Enfin, il ne faut pas hésiter à pousser la porte du cabinet d’un psy ou du médecin traitant. « Les parents attendent souvent trop longtemps. Il faut essayer d’y aller avant que leur enfant ait des pensées suicidaires« , conseille la spécialiste qui recommande de ne pas attendre plus de trois semaines. « Il y a un risque de tomber dans un trouble dépressif si les symptômes sont persistants au-delà de quinze jours« , indique notre experte.
Mon ado ne veut pas aller voir un psy : que faire ?
Aller voir un psychologue ou un psychiatre a souvent un aspect négatif pour les adolescents. Il est fréquent qu’ils associent le fait de consulter un spécialiste avec la folie, ou d’autres troubles mentaux. « Pour que votre enfant accepte d’aller voir un psychologue, il faut toujours être dans la proposition, pas dans l’imposition. Vous pouvez valoriser l’image du spécialiste, lui montrer que vous êtes dans une dynamique de démarche positive. Préférez les termes comme « on peut essayer », et rassurez-le en soulignant que, si le premier psy qu’il va voir ne lui convient pas, il peut tout à fait en changer », indique Aline Nativel Id Hammou. Proposer à son ado de choisir lui-même son psychologue peut aussi aider, car il devient acteur de la démarche. Les parents ne doivent pas hésiter à expliquer aussi qu’ils ne savent pas quoi faire face à son état. « C’est quelque chose auquel on pense rarement, mais reconnaître que, même si nous sommes là pour lui, nous nous sentons dépassés et que nous n’avons pas toutes les clés pour l’aider, cela peut aider l’enfant », insiste notre experte. Beaucoup d’adolescents n’ont pas envie de voir un psy, pas plus que de prendre des médicaments contre la dépression. Les parents peuvent leur rappeler que ce n’est pas systématique et que, si le psychiatre pense que cela est nécessaire, ce n’est pas dangereux pour eux, que ce n’est que pour les aider.